25 January 2024 | Foreign Affairs.
Excellence Madame la Secrétaire générale,
Excellences,
Mesdames et Messieurs
Je souhaiterais avant tout adresser mes remerciements à Madame la Secrétaire générale pour le travail accompli a la tête de la Francophonie. Elle accompli sa mission avec application et sérieux, à l’image de l’évènement de la Conversation Francophone qui nous rassemble aujourd’hui. Je tiens également à la remercier pour l’honneur qu’elle m’a fait en m’invitant à prononcer l’allocution inaugurale de cette rencontre.
Comme nous le savons tous, la Conversation Francophone de la Francophonie est un schéma privilégié de concertation et de dialogue qui, grâce à des échanges et des réflexions stratégiques sur des thèmes d’intérêt commun, nous permet de conjuguer nos efforts pour parvenir à une solution durable. Il est évident que je partage avec une grande joie mon appréciation pour l'honneur qui m'a été accordé de délivrer le discours d'ouverture lors de ce forum virtuel d'une importance capitale. Le thème, « La Lutte contre la corruption : Œuvrer pour une gouvernance intègre et transparente au service des populations » est d'une importance cruciale, et je suis honoré de contribuer à cet événement. J’en suis d’autant plus ravi, parce que je considère ce thème comme la marque de mon combat depuis mes débuts dans l’Opposition dans les années 80 jusqu’à ce jour.
Aujourd’hui, la corruption est un phénomène qu’on ne présente plus. Elle existe partout, à des degrés divers, dans les pays les moins développés, comme dans les pays développés. Elle se manifeste sous des formes multiples comme le favoritisme, le clientélisme, la concussion, les pots de vin, le détournement des deniers publics etc, etc… Elle touche de nombreux secteurs, qu’ils soient publics ou privés. Elle peut concerner ou impliquer le citoyen ordinaire, comme elle peut concerner le fonctionnaire subalterne ou des agents très haut placés dans les structures de l’Etat.
La corruption est un mal qu’il faut combattre à tout prix, parce qu’elle inflige un coup très élevé à nos sociétés, financièrement, politiquement, économiquement et moralement. Elle ronge les rouages des institutions publiques. Elle mine la confiance des citoyens, dilue les efforts d’aide envers les plus démunis. Elle creuse les inégalités sociales, sape les fondements de la démocratie et freine l’énergie des entrepreneurs. Elle brise les rêves des uns, gâche la vie des autres et plombe les perspectives de vie de millions de personnes, qui sont souvent les plus démunis et les plus vulnérables. La corruption réduit la portée des grands desseins comme les Objectifs de développement durable ou la Déclaration des droits de l’Homme, dont on vient de célébrer les 75 ans. Elle amplifie les effets des fléaux tels que les inégalités économiques et injustices sociales, le changement climatique ou les conflits armés. Elle est un terreau dans lequel se nourrit le crime organisé. Elle gangrène les sociétés et vide la citoyenneté de tout sens.
Ce fléau insidieux interpelle les bonnes consciences et nous place devant notre responsabilité. La nôtre c’est de « réduire nettement la corruption » comme indique le cible 16.5 de l’ODD 16.
Excellences, Mesdames, Messieurs,
Un mal se transforme en injustice quand ceux qui ont les moyens d’agir préfèrent le confort de leur inaction plutôt que de le combattre. C’est une lutte qui se mène sur le terrain. Et je profite de cette occasion pour partager avec vous l’expérience seychelloise en la matière.
Le modèle seychellois de lutte anti-corruption renferme 4 éléments : il y a la volonté politique, l’architecture institutionnelle, les engagements internationaux et le soutien de la population.
La lutte contre la corruption et son corollaire de mise en place d’un système de bonne gouvernance puisent dans un socle de valeurs communes de l’humanité. Ils sont, à ce titre, inscrits dans des textes fondamentaux comme l’Agenda 2030, la Convention des Nations unies contre la Corruption et celle de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption. Cet ensemble de textes fondamentaux constitue des points de référence et nous sert de boussole.
Il me faut à cet égard rappeler que nous sommes à mi-parcours de la date butoir pour la réalisation des ODD, et à la veille de la commémoration du 20ème anniversaire de l’entrée en vigueur des deux conventions précitées. C’est donc le moment opportun pour mesurer notre niveau d’adhésion à ces grands textes parce que les Etats les ayant signé et ratifié ont un devoir moral de les appliquer.
Dans le cas des Seychelles, nous adhérons à l’Agenda 2030 et nous sommes parties aux deux conventions précitées. Nous nous sommes inspirés des trois textes dans l’élaboration de notre loi contre la corruption promulguée en 2016. Cette loi, qui est notre principal outil juridique dans la lutte contre la corruption, a été amendée en 2022 pour être alignée sur le Code pénal, la loi contre le blanchissement de l’argent et celle contre le financement du terrorisme. Sous cette loi a été créée la Commission anti-corruption.
Cette loi est le résultat d’une volonté politique dont je peux fièrement dire que j’en suis l’instigateur quand j‘étais encore le chef de file de l’Opposition à l’Assemblée nationale. Cette volonté politique émane du désir pour le changement politique exprimé aux élections d’octobre 2020 qui ont renversé l’ancien régime et m’ont porté au pouvoir. A la faveur de cette marque de confiance de la part de la population qui nous a propulsé au pouvoir, mon gouvernement a mis la lutte contre la corruption au centre de son action.
C’est dans ce contexte que nous avons amendé la loi contre la corruption en 2022 pour la rendre plus efficace. Dans ce nouveau climat politique, la Commission anti-corruption a mené des investigations qui ont débouché sur l’arrestation et la détention de plusieurs hautes personnalités liées à l’ancien régime dans la plus grosse affaire de corruption dans le pays : à savoir le détournement d’une somme colossale de 50 millions de dollars américains.
Cet immense progrès dans la lutte contre la corruption bénéficie du soutien de la population, de la jeunesse en particulier.
L’attachement aux idéaux de justice, la transparence et l’égalité de chance poussent les jeunes à se révolter contre la corruption et cette révulsion est canalisée dans un soutien éclairé à la lutte contre la corruption. Ce soutien est très important, parce que souvent les personnes plus âgées sont gagnées par le cynisme qui parfois les mène à accepter la corruption comme une partie intégrante de la vie.
Si la jeunesse s’est révélée un partenaire stratégique dans la lutte contre la corruption, le numérique s’est également avéré un outil indispensable, surtout dans les mains de la Commission nationale contre la corruption, et les journalistes d’investigation. En effet, le numérique a été très utile pour naviguer dans les méandres des artifices construits par les malfaiteurs pour faire disparaitre les traces de l’argent détourné.
En conclusion, la lutte contre la corruption est un impératif essentiel pour garantir une gouvernance intègre et transparente au service de nos populations. Les Seychelles s'engagent résolument dans cette voie, conscients que seule une action concertée et soutenue permettra de préserver l'équité, la justice et le bien-être de tous. Ensemble, unis dans cette lutte, nous construirons un avenir où la transparence, l'intégrité et la confiance seront les piliers de notre société. Merci à tous ceux qui s'investissent dans cette noble cause, et que notre détermination demeure inébranlable pour un avenir plus juste et équitable pour tous.
Je vous remercie de votre aimable attention.