12 September 2011 | Piracy.
Discours Du President James A. Michel À L'occasion De L'ouverture De La Conference De Haut Niveau Sur La Piraterie: ‘Orchestrer Nos Reponses’ - Le Mercredi 7 Septembre 2011, Au Meridien Barbarons.
Excellences,
Distingués Invités,
Mesdames et Messieurs,
Les Seychelles sont fières de vous accueillir à cette conférence spéciale, ‘Orchestrer nos réponses’ face à la piraterie. Suite à la première conférence régionale sur la piraterie que nous avons organisée l'année dernière, il s’avère nécessaire et important de réunir régulièrement tous les partenaires clés afin qu’ils échangent leurs idées et leurs expériences. Nous remercions la South Asia and Africa Regional Ports Stability Cooperative (SAARPSCO) pour la coopération et le soutien qu’elle a apportés pour rendre cette conférence possible.
Je suis heureux de constater, au début de notre conférence, qu'une meilleure coordination entre les partenaires, une approche plus conséquente en mer et plus de ressources engagées, ont permis d'améliorer notre réponse globale à la piraterie.
Les efforts conjugués de tant de partenaires internationaux ont eu un impact positif, et nous nous rapprochons d'un modèle qui peut, à long terme, nous permettre de lutter contre ce fléau.
Mais nous ne pouvons pas nous permettre d'être complaisants. Les pirates ont déjà montré leur grande capacité à s'adapter et à exploiter toutes les faiblesses.
Plus que la plupart des crimes, la piraterie a déjà révélé nombre de lacunes du droit international. Elle a révélé le manque de mécanismes pour appliquer cette loi. Elle a exposé l'incapacité de la communauté internationale à régir la mer de manière efficace.
Pendant trop longtemps, il est devenu commode pour beaucoup d'entre nous de regarder l'océan comme faisant partie d'un autre royaume ne revêtant pas la même importance que nombre d’États accordent à la protection de leurs frontières terrestres.
Au cours de notre conférence, nous discuterons des nombreuses mesures spécifiques que nous devons prendre pour lutter contre la piraterie, mais je demande à chacun d'entre nous de réfléchir à la manière dont nous devons renforcer de façon globale la gouvernance de nos océans.
Nous devons réclamer nos océans, nous devons réclamer nos mers!
Nous devons renforcer notre capacité à assurer que nous pouvons exploiter la puissance de nos océans, de l'économie bleue, pour un véritable développement durable. Pour nous États côtiers de la région, il est essentiel pour notre survie, non seulement de nous attaquer à la piraterie, mais de mieux nous préparer aussi à combattre les crimes liés au trafic de drogue, la traite des personnes, la pollution marine et la pêche illégale.
S'exprimant en tant nation africaine la plus petite du continent, nous devons aussi en Africains travailler dur pour mieux protéger cette fantastique ressource que sont nos océans.
Pendant trop longtemps, de nombreux Etats de cette région ont renié leurs responsabilités à protéger et soutenir cet océan. Nous avons besoin de l'aide de nombreux autres pays et organisations, mais nous devons également en tant que nations souveraines être prêtes à assumer nos responsabilités.
Nous sommes très heureux de pouvoir compter sur la présence à nos cotés de l'Organisation Maritime Internationale d’autant qu’il est essentiel que nous travaillions tous ensemble pour mieux appliquer les règles et procédures qu'elle nous fournit et qui peuvent nous aider dans ce processus.
Comme nous joignons nos efforts pour renforcer la gouvernance de nos océans, il y a un certain nombre de questions spécifiques que nous allons aborder dans le contexte de la piraterie.
Premièrement, l'importance de la surveillance partagée des patrouilles et des échanges d'informations ne peut pas être surestimée. L'Océan Indien est une vaste étendue de mer qu'aucun État ne peut jamais assurer seule la protection. Beaucoup d'Etats côtiers manquent des capacités de surveillance à distance et à grande échelle, et nous saluons à cet égard les efforts de nos partenaires, tant au niveau bilatéral que multilatéral, très actifs dans leur appui à patrouiller nos mers. Il est clair que nous devons aussi, à moyen terme, renforcer les capacités des Etats côtiers afin qu’ils soient en mesure d'être des partenaires plus actifs dans la surveillance de leurs eaux.
Deuxièmement, l'une des préoccupations les plus pressantes dans le combat de la piraterie, ce sont les instruments juridiques pour s'attaquer à ce crime de manière efficace. L'absence de tribunaux et de prisons appropriés a fait que trop souvent des pirates capturés puis libérés, sont revenus pour attaquer de nouveau.
Pour de nombreux Etats de la région, poursuivre et incarcérer les pirates sont un énorme fardeau. Mais nous ne pouvons pas écarter le fait qu'un crime a été commis. Nous devons travailler ensemble pour trouver une solution afin que les coupables paient pour leurs crimes.
Aux Seychelles, nous sommes reconnaissants à l'ONUDC et aux pays donateurs pour leur soutien qui nous permet de construire une nouvelle aile de notre prison, et qui nous aide aussi dans les poursuites judiciaires. Cependant, avec des milliers de pirates en cause, il est clair que les capacités carcérales dans cette région sont insuffisantes pour faire face à ce problème.
Pour remédier ça, les Seychelles ont signé récemment des accords de transfert de prisonniers avec les autorités somaliennes, en vertu desquels les pirates condamnés aux Seychelles, peuvent être transférés en Somalie pour y purger leur peine. Je profite de cette occasion pour remercier les dirigeants somaliens du Gouvernement Fédéral de Transition, du Puntland et d'autres régions de la Somalie pour avoir travaillé dur afin que cela soit possible ; nous sommes impatients d’assister aux premiers transferts dans un proche avenir.
Nous saluons vivement la Résolution 1976 du Conseil de Sécurité, qui offre de nombreuses options dans la lutte contre la piraterie maritime, y compris de nombreuses possibilités de poursuite, et elles sont toutes les bienvenues. Il est cependant clair que la lutte contre la piraterie commence au sol, en Somalie même. Notre expérience montre jusqu'à présent que le modèle décrit plus haut permet le renforcement des capacités en Somalie, tout en étant rentable et réaliste.
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais saisir également cette occasion pour saluer les efforts déployés par le Gouvernement mauricien pour conclure des accords avec l'Union Européenne pour le transfert et la poursuite des pirates.
En tant qu’entité régionale, il est impératif que nous fédérons nos efforts pour assurer que la piraterie, partout où elle peut se manifester, ne reste pas impunie.
Les Seychelles se sont dépensées pour obtenir de l'aide régionale en relativement à cette question et nous sommes heureux que la première phase du Projet anti-piraterie de la COMESA commence à décoller.
Nous sommes aussi heureux que la Commission de l'Océan Indien prenne les commandes dans ce projet pour s'assurer que nos océans nous soient restitués, afin qu’ils deviennent des autoroutes pour le développement, et non les autoroutes de la criminalité.
La Commission de l'Océan Indien a la capacité d'être un ardent défenseur du développement de l'économie bleue et des questions intéressant nos iles. Ce faisant, il est important que nous continuions à renforcer les capacités de cette institution régionale dans le cadre du développement de notre région.
La piraterie représente aujourd’hui l'un des plus grands obstacles à la croissance de nos îles, et l'un des grands facteurs contribuant à notre isolement. En conjuguant nos efforts pour résoudre ce problème, nous renforçons part la même occasion notre capacité à agir ensemble sur d'autres sujets d’intérêt commun.
Mesdames et Messieurs,
La lutte contre le financement de la piraterie est le troisième volet très important de nos efforts à cette conférence. Concernant les grands réseaux transnationaux du crime, la clé de leur désactivation, c’est l’arrêt du flux des fonds à la source. La plupart du financement de la piraterie en Somalie provient de l'extérieur; de la même manière, la plupart des bénéfices de la piraterie sont expédiés hors de Somalie.
Nous devons miser sur les réseaux d’application de la loi déjà puissants qui ont été mis en place pour lutter contre le blanchiment d'argent, et retracer les fonds qui financent le terrorisme. Nous devons aussi être préparés à être innovateurs et permettre aux mécanismes régionaux qui vont au-delà des juridictions nationales de saisir les produits de la criminalité.
Nous devons également être sans équivoque sur le fait que le versement de rançons ne fait que perpétuer les opérations de piraterie.
Je suis très heureux que le secteur privé ait un rôle clé à jouer dans cette conférence. Les gouvernements et les opérateurs économiques doivent coopérer étroitement afin de s'assurer que les mesures adoptées sont à la fois réalisables et durables.
Il est clair que la situation actuelle représente à long terme une menace non seulement pour la navigation maritime et la pêche, mais aussi pour le rêve de plus d'échanges commerciaux dans notre région. Notre région regorge de tellement de potentialités qui restent inexploitées!
Mesdames et Messieurs,
Une conférence sur la piraterie ne peut en aucun cas ignorer la situation en Somalie elle-même. La solution à long terme réside dans la création des conditions propices à une gouvernance stable tout au long de la Corne de l'Afrique.
J'accueille chaleureusement les représentants de la Somalie qui sont avec nous, et qui mettent tous leurs efforts pour atteindre cet objectif. Je leur exprime aussi notre solidarité, car cette région traverse en ce moment une terrible famine, provoquée par l'une des pires sécheresses de toute une génération.
Les perspectives de paix et la stabilité de la Somalie dépendent d'un effort soutenu, non seulement au sein de la Somalie, mais aussi au niveau de la région et du monde. Sous ce rapport, les Seychelles sont prêtes à travailler avec tous les partenaires internationaux et régionaux dans le cadre de cet effort, de la même manière que nous sommes prêts à partager bilatéralement nos connaissances et expériences.
Nous gardons à l'esprit que les mêmes conditions qui ont conduit au développement de la piraterie en Somalie, pourraient également conduire à la développer ailleurs, c’est pourquoi nous suivons, non sans inquiétude, les incidents qui se multiplient en Afrique occidentale.
Mesdames et Messieurs,
Pour tout Seychellois, la mer est quelque chose de spécial. La piraterie nous a cependant obligés à changer, à adapter la manière dont nous interagissons avec notre océan. C’est le lieu de dire que je suis fier de la résistance que nous avons opposée à ce défi qui a émergé du jour au lendemain. Permettez-moi de prendre un moment pour rendre un hommage à ces Seychellois qui ont montré tant de bravoure durant leur détention comme otage. Nous sommes aussi admiratifs du courage dont leurs familles ont fait preuve et du soutien apporté tout au long de cette détention.
Je salue également les efforts de nos Garde-côtes et de nos Forces Spéciales; beaucoup de ces hommes et femmes qui ont dû vivre des échanges de tirs en mer pour la première fois, et qui ont réagi avec courage et vaillance. Nous ne pouvons, bien entendu, oublier le travail énorme de nos Forces de Police et des membres de nos Services judiciaires qui ont veillé à ce que le droit soit dit là où le crime de piraterie a été commis. Nous devons aussi penser à tous ces pêcheurs et marins dont les moyens de subsistance ont été fondamentalement mis au défi.
Malgré ses limites en taille et en capacité, les Seychelles se sont montrées comme un réel protecteur de son océan. Nous estimons que nous devons tous travailler ensemble pour continuer de renforcer la protection que nous pouvons assurer. Pour la protection de l'océan et des personnes qui en dépendent, les Seychelles continueront à jouer un rôle de premier plan.
Je vous remercie de votre attention